L’internet physique est-il l’avenir du transport intelligent et durable?

Le secteur logistique fait face à un immense défi en matière de durabilité. Selon Thierry Vanelslander, professeur à l’université d’Anvers, une partie de la solution réside dans le partage des données. Cependant, cela nécessite confiance, transparence et une entité neutre pour superviser le processus. À ses yeux, “l’un des concepts les plus prometteurs, à cet égard, est l’internet physique”.

L’internet physique est une approche innovante du transport et de la logistique, où les marchandises sont expédiées de manière comparable aux informations sur l’internet. Tout comme un e-mail emprunte la route la plus rapide et la plus efficace de l’expéditeur au destinataire, le transport pourrait suivre cette logique. Et c’est plus nécessaire que jamais, car les camions roulent à vide sur 20% de leurs trajets, et dans 80% des cas, ils ne sont remplis qu’à un peu plus de la moitié.

En optimisant l’usage de tous les modes de transport (camions, trains, navires et avions) et en regroupant les marchandises, les entreprises peuvent réduire leurs coûts et diminuer considérablement les émissions.

De la théorie à la pratique

Si le concept de l’internet physique a longtemps été une théorie académique, il trouve désormais de plus en plus d’applications concrètes. Les entreprises, les gouvernements et les institutions de recherche collaborent pour créer des réseaux logistiques partagés. De nombreuses entreprises utilisent les mêmes modes de transport et itinéraires, ce qui entraîne des embouteillages et des goulets d’étranglement.

“Le partage de la capacité peut réduire ce type de problème”, estime Thierry Vanelslander, professeur au département d’économie des transports et de l’aménagement du territoire à l’université d’Anvers.

Des plateformes plus avancées existent déjà, comme NxtPort dans le port d’Anvers. La blockchain est également employée pour permettre un échange de données sécurisé. “Ce genre d’initiative montre que la technologie est bien là”, déclare le professeur.

En collaborant et en regroupant intelligemment le transport, les PME peuvent non seulement économiser des coûts, mais aussi contribuer à une logistique plus durable.

Thierry Vanelslander, professeur à l’université d’Anvers

Une question demeure: les entreprises veulent-elles vraiment utiliser ces technologies? Car, bien que les avantages de l’internet physique soient évidents, son adoption ne l’est pas. “Techniquement, beaucoup de choses sont possibles, à la condition que les entreprises soient prêtes à collaborer.”

Des défis à surmonter

Traduire l’internet physique en pratique nécessite le partage de données entre entreprises. Cela demande de la confiance. “Les entreprises doivent pouvoir compter sur le fait que leurs données sont partagées en toute sécurité et ne font pas l’objet d’abus”, prévient le spécialiste.

Sans négliger l’existence de rapports de force: les grandes entreprises ont parfois peu d’intérêt pour la transparence et la collaboration, car elles ne veulent pas perdre leur position dominante et préfèrent garder les données en interne.

Des intérêts économiques sont aussi en jeu. “Certaines parties tirent justement profit des inefficacités de la chaîne logistique”, avance Thierry Vanelslander. “Elles peuvent s’opposer au changement, car elles craignent de perdre leur modèle de profit.”

Selon lui, une entité neutre devrait superviser un tel système de données logistiques. “Si des entreprises privées gèrent cela, des intérêts peuvent entrer en jeu. Et les gouvernements ne sont pas toujours neutres non plus. Le défi est de créer une plateforme indépendante qui fonctionne comme un algorithme sans influence humaine – un système transparent qui traite tous les acteurs de manière équitable.”

Que peuvent faire les PME?

Pour les petites et moyennes entreprises qui souhaitent s’engager dans le transport partagé, Thierry Vanelslander a un message clair: “Les PME peuvent dès à présent rejoindre des plateformes existantes et examiner de manière critique leur position. Elles doivent éviter de devenir dépendantes d’un grand acteur qui dicte les prix.”

Il leur conseille enfin de partager leurs expériences avec d’autres entreprises. “Apprendre d’autrui est absolument crucial. En collaborant et en regroupant intelligemment le transport, les PME peuvent non seulement économiser des coûts, mais aussi contribuer à une logistique plus durable.”