Entrepreneuriat durable: “Viser les ODD n’est pas toujours le meilleur choix pour les PME”

Hans Verboven, professeur de durabilité et d’éthique des affaires à l’université d’Anvers

Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies sont devenus incontournables pour les entreprises cotées en Bourse. Mais que signifient-ils pour les PME? Pour Hans Verboven, professeur de durabilité et d’éthique des affaires à l’université d’Anvers, c’est clair: “Travailler avec les ODD n’est pas toujours la meilleure stratégie pour les PME aujourd’hui.”

Les 17 Objectifs de développement durable de l’ONU servent de guide mondial pour encourager la durabilité dans les entreprises. Pourquoi ne sont-ils pas toujours adaptés aux PME?

“Les ODD bénéficient d’une reconnaissance internationale énorme. Ils couvrent un éventail des plus larges, des aspects sociaux à l’environnement et au bien-être, ce qui peut être inspirant. Mais ils sont souvent trop généraux, ce qui risque de mener à ce qu’on appelle le SDG washing: prétendre contribuer à tout sans le prouver ni en mesurer réellement l’impact.”

“Les ODD peuvent être déroutants pour les petites entreprises. Comment traduire ces 17 objectifs dans leurs activités quotidiennes? Ils restent en partie éloignés de leur réalité.”

Quelle approche de durabilité convient mieux aux PME?

“Pour un cadre plus pratique avec des directives claires, les PME feraient mieux de se tourner vers les nouvelles normes européennes de reporting de durabilité, les ESRS, et surtout vers les normes simplifiées de reporting de durabilité pour les PME, le VSME.”

“Ces normes aident les entreprises à se concentrer sur les domaines où elles ont un réel impact. Cela peut entraîner des coûts et du travail supplémentaires au début, car une expertise externe est généralement nécessaire pour tout mettre en place correctement.”

“En définitive, cependant, le VSME deviendra une licence d’exploitation pour les PME européennes. Bien que, personnellement, je trouve encore les ODD plus inspirants et agréables en tant que cadre. Ils placent votre entreprise dans un contexte sociétal plus large.”

Les ODD peuvent être déroutants pour les petites entreprises. Comment traduire ces 17 objectifs dans leurs activités quotidiennes? Ils restent en partie éloignés de leur réalité.

Hans Verboven, professeur de durabilité et d’éthique des affaires à l’université d’Anvers

Comment les PME peuvent-elles concilier les ESRS, le VSME et les ODD dans la pratique?

“Les entreprises doivent adopter une approche inclusive, en se concentrant sur les thèmes vraiment cruciaux, comme les émissions de CO2 et l’impact social. Établissez des indicateurs-clés de performance concrets et progressez par étapes.”

“Ceux qui souhaitent profiter de la visibilité internationale des ODD peuvent aligner leur plan sur les ODD qui correspondent à leur stratégie d’entreprise. Ainsi, vous communiquez dans un cadre mondialement reconnu, sans tomber dans une forme de généralité un peu vague.”

“L’important n’est pas de rapporter, mais d’intégrer réellement la durabilité dans votre stratégie pour limiter votre impact social et environnemental.”

Se conformer au VSME n’exclut donc pas les ODD.

“Absolument. Pour les PME européennes, le VSME est prioritaire, car il constitue la base légale pour le reporting. Mais les ODD demeurent un outil précieux pour présenter votre récit de durabilité de manière inspirante et globale.”

“Tant que vous définissez clairement où votre entreprise crée le plus de valeur écologique et sociale, vous pouvez parfaitement combiner les deux. Utiliser les directives VSME comme guide pour vous conformer à la réglementation, et les ODD pour situer vos efforts dans un cadre mondial.”

Les PME peuvent-elles intégrer la durabilité dans leur vision à long terme sans perdre de vue les actions à court terme?

“La durabilité ne concerne pas le reporting ou l’image, mais les choix stratégiques. Ce que vous faites pour les gens, l’environnement et la société détermine si vous restez socialement et légalement acceptable en tant qu’entreprise, surtout en Europe, où les exigences de transparence sont de plus en plus strictes.”

“Les PME feraient bien de commencer par une analyse des risques et des opportunités: examinez les tendances de votre secteur, les évolutions de la réglementation, et déterminez où vous pouvez saisir des occasions et réduire les risques.”

“Traduisez ensuite ces informations en actions concrètes à court et moyen termes. Ainsi, la durabilité devient un moteur stratégique pour l’innovation, la croissance et les économies de coûts, et pas seulement une obligation.”

La durabilité n’est pas une question de rapport ou d’image, mais de choix stratégiques.

Hans Verboven, professeur de durabilité et d’éthique des affaires à l’université d’Anvers

“Le vert est la couleur de l’argent.” La durabilité est-elle aussi un modèle économique pour les consultants et les auditeurs?

“En effet, les entreprises dépensent souvent beaucoup d’argent en reporting. Mais ces rapports ne réduisent pas une tonne de CO2. Les entrepreneurs intelligents qui pensent en termes de business case produisent un impact tangible. Il est urgent de se concentrer sur les actions et les investissements plutôt que sur la paperasse.”

Vous avez contribué au développement de l’outil Sustatool pour le gouvernement flamand. En quoi peut-il servir aux PME?

“Le Sustatool est un processus de gestion simple et pratique en cinq étapes, qui vous aide à mettre en œuvre des projets de durabilité. En tant que PME ou petite organisation, vous pouvez l’utiliser pour travailler aisément sur une politique de durabilité. Cela facilite l’investissement, l’évaluation du retour sur investissement et l’obtention d’un avantage concurrentiel.”

“L’outil se concentre sur des aspects concrets tels que l’économie d’énergie, la mobilité et les emballages. Bientôt, le Sustatool sera mis à jour pour s’aligner sur les normes VSME et CSRD.”