CSRD: une révolution pour le reporting de durabilité, avec des défis pour le secteur financier

Jo Wuytack (Degroof Petercam) et Julien Thiry (KPMG) ©Marco Mertens

La nouvelle réglementation européenne contraint les entreprises à reprendre des informations non financières dans leurs rapports annuels. Une nouvelle ère de rapports annuels “intégrés”, mettant davantage l’accent sur la durabilité, s’ouvre donc en 2025. Julien Thiry (KPMG) et Jo Wuytack (Degroof Petercam) discutent de son impact sur le secteur financier.

Qu’est-ce que la CSRD?

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) contraint certaines entreprises de l’UE à rendre compte en détail de leurs impacts en matière de durabilité, y compris des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

L’entrée en vigueur de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est perçue comme un tournant dans la manière dont les entreprises communiquent sur les questions de durabilité, tout comme, à son époque, l’introduction de cadres comptables harmonisés pour les informations financières. La directive européenne, transposée en droit belge en décembre 2024, oblige les organisations à être plus transparentes à l’égard de leur impact sur l’environnement et la société au sens large. La CSRD se voulant agnostique du point de vue du secteur, les exigences de reporting s’appliquent à toutes les entreprises éligibles, quel que soit le secteur dans lequel elles opèrent. “Cela ne signifie pas pour autant que toutes les entreprises rapporteront sur les mêmes sujets”, nuance Julien Thiry, directeur chez KPMG.

Pour les banques, le climat est naturellement un point d’attention majeur, compte tenu de l’ambition européenne dans le domaine et du rôle qu’elles peuvent jouer dans cette transition, avance Julien Thiry. “Les banques s’attendent à ce que leur plus grand impact sur le climat se situe dans leur chaîne de valeur, en raison de leur capacité à réorienter les flux financiers vers des thèmes respectueux du climat. Ces dernières années, nous avons assisté à des développements significatifs dans le ‘financement climatique’, qui voit les banques intégrer de plus en plus les considérations climatiques dans leurs investissements et les produits d’investissement qu’elles proposent à leurs clients. La CSRD, dans sa forme actuelle, offre encore des directives limitées sur la manière de rapporter précisément les activités dans la chaîne de valeur, cependant, et les normes de mesure incluses dans la législation ne sont pas nécessairement adaptées à 100% au secteur financier. Cela a constitué un défi pour les banques lors de la préparation de ce rapport, et peut entraîner une hétérogénéité dans le type d’informations qui seront rapportées.”

“Les banques s’attendent à ce que leur plus grand impact sur le climat provienne de la chaîne de valeur, car les institutions financières ont la possibilité de réorienter les flux financiers vers des thèmes respectueux du climat.”

Julien Thiry, directeur chez KPMG

La durabilité dépasse bien sûr le cadre strict du climat: les banques ont aussi un impact social réel, prolonge Julien Thiry. “Parce qu’elles emploient des milliers de personnes et traitent avec des millions de clients, les banques peuvent avoir un impact social très important si ces sujets ne sont pas bien gérés. Une politique défaillante, un manque d’inclusivité, une fuite de données peuvent avoir des conséquences considérables. Heureusement, la Belgique en général, et le secteur financier en particulier, sont bien avancés dans ce domaine.”

La CSRD chez Degroof Petercam

La maison d’investissement belge Degroof Petercam doit elle aussi se conformer à la CSRD. “Notre politique comprend bien entendu déjà une clause ESG pour répondre aux exigences de nos clients en la matière, mais la CSRD va plus loin que cela”, déclare Jo Wuytack, Group Sustainability Manager chez Degroof Petercam.

“En étant plus transparents sur l’impact des investissements, nous pouvons mieux accompagner nos clients.”

Jo Wuytack, Group Sustainability Manager chez Degroof Petercam

La collecte de données sur la chaîne de valeur – pour calculer l’impact sur le climat, par exemple – est un travail de longue haleine. “Les risques climatiques sont une réalité et la CSRD nous aide à les cartographier”, illustre Jo Wuytack. “En étant plus transparents sur l’impact des investissements, nous pouvons mieux accompagner nos clients. Certains d’entre eux n’ont pas suffisamment pris conscience de l’importance de la durabilité, mais tôt ou tard, ils y seront confrontés, pour leur entreprise ou dans leur vie privée. La CSRD renforce notre crédibilité et fournit les données nécessaires pour engager ces discussions avec nos clients.”

Un premier rapport comme base

Degroof Petercam finalise actuellement son premier rapport CSRD, un document de 150 pages. “Nous continuons d’apprendre la façon la plus efficace de cartographier certains sujets”, confie Jo Wuytack. “Avec encore plus de données, le deuxième rapport sera meilleur que le premier. C’est un processus d’apprentissage continu.”

Confronté à la CSRD pour la première fois début 2023, Jo Wuytack a décidé de se pencher d’emblée sur le sujet. “Notre direction a rapidement compris le poids de cette réglementation. La première étape a été la plus difficile, car nous ne pouvions pas la gérer seuls. Par le biais d’un appel d’offres, nous avons choisi KPMG. Peu de temps après, nous étions la première banque belge à réaliser avec succès une analyse de double matérialité. Le fait que nous travaillions depuis longtemps sur la durabilité chez Degroof Petercam a sans aucun doute aidé, car nous disposions de beaucoup de données et la durabilité était déjà intégrée dans des processus, des lignes directrices et dans notre stratégie.”

Julien Thiry confirme que le premier rapport sert principalement de base pour affiner les choses par la suite. “En 2025, les entreprises en tireront certainement les enseignements et adapteront les processus pour passer d’un mode ‘projet’ à un mode ‘business as usual’. Plusieurs processus peuvent être automatisés et la technologie peut faciliter le reporting. Bien sûr, des changements sont attendus dans les années à venir, notamment dans le cadre du nouvel Omnibus Package de l’Union européenne qui amènera des simplifications dans l’information rapportée (et devrait réduire la taille de ces rapports à partir de 2026 ainsi que la charge de travail associée). Quelle que soit l’issue des développements futurs en matière de réglementation, la CSRD aura, à mon avis, atteint un objectif essentiel qui va au-delà du reporting ou de la conformité: placer la durabilité au sommet de l’agenda. Outre la charge de conformité et les défis associés à la génération de ce rapport, il peut être considéré comme un outil stratégique pour rendre les entreprises plus durables.”

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