Le reporting de durabilité est un exercice d’équilibre

Emmanuel Leroux, avocat chez KPMG Law et Kurt Verheggen, General Counsel chez Barco

L’implémentation de la CSRD s’accompagne de nombreuses questions juridiques. Emmanuel Leroux, avocat chez KPMG Law, et Kurt Verheggen, General Counsel chez Barco, en explicitent les points d’attention pour les entreprises.

Qu’est-ce que la CSRD?

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) oblige certaines entreprises de l’UE à effectuer un reporting détaillé de leurs impacts en matière de durabilité, y compris du point de vue des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Les experts juridiques remplissent une mission cruciale dans l’identification et la gestion des risques. Il est donc logique que, dans le cadre du reporting de durabilité obligatoire, on fasse appel à eux.

“Le rôle que mes collègues et moi-même jouons dans le reporting de durabilité varie selon l’entreprise”, déclare Kurt Verheggen, General Counsel chez Barco. “Je vois des collègues qui assument un rôle plus actif, voire de coordination, alors que d’autres se concentrent sur certains domaines spécifiques. Cela dépend du secteur d’activité, de la structure de l’entreprise et des profils disponibles en interne. Les entreprises cotées en bourse ont généralement une équipe de relations investisseurs qui prend le lead de ce reporting. Certaines ont un Sustainability Manager qui est alors en première ligne. Chez Barco, nous avons les deux, ce qui a limité mon rôle.”

“Nous avons une fonction de gardien, car le rapport CSRD des entreprises reste, en droit belge, un document juridique intégré dans le rapport annuel.”

Emmanuel Leroux, avocat chez KPMG Law

Ne placez pas la barre trop haut

Les juristes externes comme Emmanuel Leroux, avocat chez KPMG Law, ont eux aussi un rôle à jouer. “Nous fournissons des contributions ad hoc, par exemple sur le champ d’application de la CSRD. D’autre part, nous avons une fonction de gardien, car le rapport que les entreprises établissent reste, en droit belge, un document juridique intégré dans le rapport annuel. Même sans rôle de coordination, un juriste occupe une place importante dans la vérification de ce qui est publié. Le contenu et la méthode de reporting nécessitent souvent une vérification des contrats de l’entreprise.”

Ce rôle de conseil est incontournable, car il subsiste beaucoup d’incertitudes, préviennent les deux experts. “Une fois que vous lancez votre reporting en application de la CSRD, de nombreuses questions surgissent”, avance Kurt Verheggen. “Nous devons dès lors vérifier comment suivre la directive sans manquer à d’autres obligations ni embellir la réalité. C’est un exercice d’équilibre constant. Il est important de ne pas placer la barre trop haut dès le départ. Ce n’est qu’au prochain cycle de reporting que nous comprendrons vraiment la portée de la CSRD dans un secteur donné.”

Emmanuel Leroux conseille aux entreprises de ne pas se précipiter: “La traduction du juridique pur vers l’opérationnel n’est pas chose aisée. Nous devons veiller à ne pas réaliser ce reporting de manière incorrecte ou excessive. En tant qu’entreprise, vous divulguez beaucoup d’informations, et il est difficile d’évaluer si elles pourraient un jour être utilisées contre vous. Et vous avez peut-être aussi des obligations de confidentialité.”

C’est également un processus d’apprentissage pour le régulateur, “qui doit vérifier si la législation a été correctement transposée. Au niveau européen, on a pris conscience que l’obligation de reporting doit être revue pour certains aspects, et que plusieurs initiatives réglementaires en matière de durabilité et d’ESG doivent être mieux alignées.”

“En matière de reporting de durabilité, il faut toujours garder le long terme à l’esprit, même si vous subissez une grande pression de la part des agences de notation, des investisseurs, des régulateurs et des parties prenantes internes, par exemple.”

Kurt Verheggen, General Counsel chez Barco

Se concentrer sur l’essentiel

Le défi pour les entreprises est aujourd’hui d’éviter l’excès de reporting. “En tant que juristes, nous sommes là pour maintenir les auteurs de la déclaration dans le cadre du texte réglementaire”, reprend Kurt Verheggen. “Parfois, il suffit de faire référence à des divulgations requises par d’autres réglementations. En tant que juriste, vous devez oser freiner. Il faut toujours garder le long terme à l’esprit, même si vous subissez une grande pression de la part des agences de notation, des investisseurs, des régulateurs et des parties prenantes internes, par exemple. Naturellement, vous voulez faire au mieux en tant qu’entreprise, mais vous devez accepter de vous limiter à des informations bien définies. La durabilité n’est pas un record à battre, surtout si des voix s’élèvent déjà pour revoir la législation. Ce degré élevé d’incertitude juridique et de variantes d’interprétation doit toujours vous inciter à choisir l’approche la plus prudente.” Emmanuel Leroux acquiesce: “Comme en matière de reporting financier, il faut appliquer le principe de prudence. En définitive, cette approche n’est pas nouvelle.”

La pression s’accroît sur les juristes, tout comme les attentes envers les conseils d’administration. Ces deux dimensions peuvent se renforcer mutuellement, estime Kurt Verheggen. “On attend parfois des membres du conseil qu’ils aient une connaissance approfondie de tout sujet. Or, ils sont déjà submergés d’informations et ne sont pas présents au quotidien dans l’entreprise. En tant que juristes, nous avons une mission à remplir à cet égard, car nous connaissons la réglementation. C’est notre tâche de veiller à ce que des informations fiables soient fournies et ainsi d’apporter une vraie tranquillité d’esprit. La direction doit aller à l’essentiel avec le conseil d’administration, afin de ne pas se perdre dans les détails.”

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