La nouvelle culture d’entreprise engage toutes les parties prenantes

Le modèle d’entreprise traditionnel, axé sur la maximisation de la valeur actionnariale, est remis en question. Des voix s’élèvent toujours plus nombreuses, qui plaident en faveur de la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes, parmi lesquelles les employés, les clients, les fournisseurs, la communauté et l’environnement.

Dans l’économie actuelle, les parties prenantes internes et externes jouent un rôle de plus en plus central, ce qui pose des défis considérables aux chefs d’entreprise. “L’Institute for Real Growth (IRG) et la Future of Marketing Initiative (FOMI) lancée par la Saïd Business School de l’université d’Oxford ont récemment mené une étude mondiale sur ce phénomène”, souligne Marc de Swaan Arons, l’un des membres fondateurs de l’IRG. “Elle révèle que les entreprises qui mettent en pratique des politiques à long terme visant à créer de la valeur pour toutes leurs parties prenantes obtiennent de meilleurs résultats pour leurs actionnaires. L’un n’exclut donc pas l’autre.”

L’Institute for Real Growth est une organisation indépendante à but non lucratif. “Notre mission est de contribuer à la réalisation d’une croissance humanisée. Celle-ci s’obtient en ajustant la stratégie d’entreprise de manière à créer de la valeur pour toutes les parties prenantes. Afin d’encourager cette transition, nous organisons des programmes de formation pour les cadres, fournissons des conseils et menons des recherches.”

Évolution du concept de croissance

Le concept de croissance à proprement parler a subi une profonde transformation ces dernières années. Les entreprises sont de plus en plus considérées comme les rouages d’un écosystème social plus large, où elles sont responsables de la création de valeur pour toutes les parties prenantes: collègues, clients, communauté et marchés financiers.

La croissance doit être gérée différemment: aux yeux de Marc de Swaan Arons, ce constat n’est pas près de passer au second plan. “Toutes les parties prenantes sont plus autonomes, mieux informées et ont davantage voix au chapitre. Les entreprises n’ont dès lors pas le choix, elles doivent en tenir compte.”

Si vous voulez appliquer une politique qui serve les intérêts de toutes vos parties prenantes, vous devez vous engager avec chacune d’entre elles.

Marc de Swaan Arons, cofondateur de l’Institute for Real Growth

Selon lui, le défi consiste à combiner pressions à court terme et résultats à long terme. De nombreux CEO subissent en effet des pressions de la part des actionnaires pour se concentrer uniquement sur les rendements de court terme. “Certains ont même été congédiés pour avoir favorisé les initiatives durables et échoué à convaincre leurs actionnaires de l’intérêt de leur démarche (voir le licenciement d’Emmanuel Faber chez Danone, par exemple, NDLR). Nous présentons à ces CEO des données et des exemples d’entreprises qui y parviennent.”

L’empathie comme modèle de leadership

Le glissement vers une approche centrée sur les parties prenantes nécessite un changement important dans la culture et la stratégie de l’entreprise. Derrière le modèle de croissance humanisée se cache une vision claire du leadership: “Nous avons développé le modèle Da Vinci en collaboration avec le recruteur Spencer Stuart et The B Team”, indique Marc de Swaan Arons.

Le modèle de leadership purement hiérarchique appartient au passé. Il en va de même pour les CEO qui ne s’adressent qu’aux gros clients et aux investisseurs institutionnels. “Si votre politique a vocation à servir les intérêts de toutes vos parties prenantes, vous devez vous adresser à chacune d’entre elles. Et vous ne pouvez pas le faire seul: vous devez vous appuyer sur d’autres personnes au sein de l’entreprise. Il faut savoir déléguer et garder l’esprit ouvert.”

“Léonard de Vinci n’était pas seulement un génie créatif et analytique, il était aussi le cofondateur du mouvement humaniste, reposant sur un concept central: l’empathie. L’empathie ne consiste pas à accomplir ce que tout le monde attend de vous, mais à faire en sorte que tout le monde se sente écouté. Détaillez de quelle façon vous êtes parvenu à une décision et pourquoi elle est meilleure pour tout le monde à long terme: c’est la seule façon de changer la donne!”

La voie à suivre exige donc une mise en place prudente, les chefs d’entreprise devant tenir compte non seulement des résultats financiers, mais aussi de l’impact plus large de leurs décisions sur la société et l’environnement.