“Trop d’entreprises considèrent encore le recyclage comme une menace sur leur rentabilité”

Le changement climatique force les entreprises à repenser leurs chaînes d’approvisionnement. “Cela dit, trop d’entreprises craignent encore que la généralisation du recyclage grignote leurs bénéfices”, déplore Ann Vereecke, professeure à la Vlerick Business School, qui plaide en faveur d’un modèle circulaire.

Le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes qui y sont associés perturbent les chaînes d’approvisionnement, menacent les entreprises et les emplois, et entraînent des coûts humains et sociaux.

“Les entreprises ont dès lors tout intérêt à mettre en place une chaîne d’approvisionnement durable et plus respectueuse de l’environnement”, déclare Ann Vereecke, professeure d’Operations & Supply Chain Management à la Vlerick Business School. “Par rapport à la situation qui prévalait il y a deux ans, beaucoup plus d’entreprises l’ont heureusement compris. Et cette conviction se répand peu à peu dans le reste de notre pays.”

Plus efficace et plus écologique

Toutefois, de nombreuses entreprises nourrissent encore une vision linéaire, par étapes, de la chaîne d’approvisionnement: les ressources naturelles sont exploitées pour en extraire les matières premières, qui sont ensuite transformées (ce qui consomme de l’énergie et émet du CO2), puis livrées par camion, bateau, train ou avion, après quoi les clients achètent, utilisent puis jettent ces produits.

“Les entreprises peuvent envisager sous deux angles d’attaque les changements nécessaires à une chaîne d’approvisionnement plus durable”, avance Ann Vereecke. “La première question à se poser est de savoir comment rendre chaque maillon de la chaîne plus efficace d’un point de vue écologique: en réduisant les déchets et la consommation d’énergie à chaque étape, en choisissant des carburants plus respectueux de l’environnement, en rendant le transport plus efficient, en optimisant la planification et en produisant à l’aide des technologies numériques.”

Du linéaire au circulaire

La seconde question, plus fondamentale, est de déterminer si les entreprises ont la capacité de faire basculer la structure de la chaîne d’approvisionnement de linéaire à circulaire. Notamment en convertissant les flux de déchets en nouvelles matières premières, en appliquant de nouvelles techniques de recyclage, en prolongeant la durée de vie des produits.

L’économie circulaire n’est pas une menace mais une chance. Elle encourage les entreprises à réfléchir à de nouveaux modèles d’affaires.

Ann Vereecke, professeure d’Operations & Supply Chain Management à la Vlerick Business School

“Certaines entreprises considèrent encore trop souvent ces initiatives comme un danger. Si elles recyclent davantage, elles produisent moins, ce qu’elles voient comme un frein à leur rentabilité. Or, elles devraient surtout y voir une chance, car le principe de l’économie circulaire peut être un moteur de croissance.”

L’économie circulaire encourage les entreprises à développer de nouveaux produits (plus) recyclables et à réfléchir à de nouveaux modes de production et de transport. “Et cet élan motive les entreprises à optimiser leur chaîne d’approvisionnement, du point de vue des coûts et des services, mais aussi en matière d’impact sur l’environnement”, reprend Ann Vereecke. “Les entreprises sont encouragées à réfléchir à de nouveaux modèles d’affaires qui modifient totalement leur façon de travailler et leur ouvrent de nouveaux marchés.”

Mesure et reporting

Bien entendu, les entreprises ne sauraient attaquer tous les problèmes de front. Pour savoir par où commencer, elles doivent d’abord passer par des mesures et du reporting – le législateur l’exige de plus en plus. À partir de ces résultats, elles découvrent quels aspects gérer en priorité, comment évaluer les performances environnementales de leurs fournisseurs, et si elles veulent être un leader ou un suiveur dans le processus de durabilisation de leur chaîne d’approvisionnement.“

Trouver les bonnes données au sein de l’entreprise pour réaliser ces mesures et ce reporting est un travail titanesque”, prévient Ann Vereecke. “Il ne faut pas commencer par prendre des mesures, mais réfléchir attentivement et poser des choix. Examinez également de quelle façon et à travers quels systèmes les fournisseurs et les clients accomplissent leurs mesures; sinon, il devient difficile d’échanger et de comparer des résultats. Une standardisation est d’ailleurs souhaitable dans ce domaine.”