Le bâton et la carotte: comment les banques rendent leurs crédits aux entreprises plus durables

Votre entreprise a besoin d’un crédit? Dans ce cas, votre banque ne vous l’accordera plus uniquement parce que votre projet est solide, mais aussi parce qu’il présente des caractéristiques durables.

De la problématique climatique au vieillissement de la population, de la baisse des réserves en eau potable à l’urbanisation, notre monde est confronté à de nombreux défis. Les décideurs politiques, les entreprises et les citoyens ne sont pas les seuls à devoir apporter leur pierre à l’édifice pour les relever: les banques doivent elles aussi assumer leurs responsabilités.

En orientant les flux d’argent dans la bonne direction, elles peuvent changer le monde tout en y trouvant leur intérêt. La mise à disposition de moyens financiers pour, par exemple, la transition énergétique n’est pas uniquement bénéfique à l’humanité, à l’environnement et à la société (sans oublier les tensions géopolitiques): elle recèle également des opportunités pour les banques, sur le plan tant écologique qu’économique. Les banques y sont d’ailleurs encouragées par l’Europe. Elles doivent désormais faire rapport sur la durabilité de leurs financements.

Un paysage du crédit en pleine mutation

Les portefeuilles de crédits (aux entreprises) sont l’un des outils auxquels les banques peuvent recourir pour faire la différence. Rien qu’en Belgique, si l’on en croit les dernières données de l’Observatoire du crédit et de l’endettement, les institutions financières affichent un encours de plus de 172 milliards d’euros de crédits à des sociétés non financières.

Comme elles se situent à la source, les banques ont le pouvoir de fixer le cap. Et la façon dont elles accordent les crédits a nettement évolué ces dernières années: aujourd’hui, elles prêtent davantage d’attention à la durabilité dans l’évaluation de la solvabilité et la gestion des risques.

Plus loin que les seuls risques financiers

Avant de décider de l’octroi d’un crédit à une entreprise, les banques se basent de plus en plus souvent sur les critères ESG afin d’évaluer si une entreprise et/ou les investissements prévus ont un impact sur l’environnement, les travailleurs, les fournisseurs, les clients et la région dans laquelle l’entreprise est active. Elles examinent par ailleurs la manière dont les entreprises sont gouvernées.

Pour octroyer un crédit à une entreprise, les banques recourent de plus en plus aux critères ESG.

Alors qu’auparavant, les banques prenaient leur décision à l’aune des seuls risques financiers, une nouvelle dimension a fait son apparition: les risques liés à la durabilité sont mis dans la balance, car ils peuvent avoir des conséquences sur la résilience de l’entreprise et sa rentabilité à long terme, confirme-t-on chez Febelfin. Si une entreprise ne dispose pas des moyens pour réaliser sa transition, cela peut se traduire par des risques financiers plus importants pour elle-même et ses bailleurs de fonds.

La durabilité, condition sine qua non à l’obtention d’un crédit?

Par conséquent, les entreprises qui ne répondent pas à certains critères ou qui ne disposent pas d’un plan crédible en matière de durabilité pourraient se voir privées de l’accès aux crédits bancaires.

En Belgique, plusieurs banques excluent déjà certains secteurs (tabac, charbon, armes, etc.) de leurs financements. Un sondage mené auprès de quelques banques belges nous a appris que les clients existants ayant des activités “nuisibles” ne pouvaient rester clients que s’ils mettaient fin à ces activités.

Récompenser les entreprises qui “verdissent” leurs activités

Après le bâton, la carotte. De plus en plus de banques offrent en effet un coup de pouce aux entreprises qui font des choix en faveur de la durabilité – par exemple en améliorant l’isolation thermique de leurs bâtiments – sous la forme de taux avantageux.

Une autre approche consiste à lier le taux d’intérêt à un score de durabilité. Si le score baisse, le taux augmente. Ou encore, les banques peuvent décider de relever le plafond de financement des prêts verts de sorte que l’entreprise peut réduire (parfois même à zéro) son apport de fonds propres.

Soutien à la transition verte

Certaines banques ne se limitent pas à exclure, inciter et récompenser leurs clients: elles essaient de les aider dans leur transition, notamment environnementale.

Un manque de moyens pour assurer sa transition énergétique peut se traduire par des risques financiers plus élevés pour l’entreprise et ses bailleurs de fonds.

Calculateurs de CO2, outils permettant de calculer le retour sur investissement des travaux d’optimisation énergétiques, formation en développement durable pour les PME, conseils en matière de mobilité verte: les banques ont multiplié les services, seules ou en partenariat avec des organisations spécialisées.

Encore beaucoup de chemin à parcourir

Le financement durable a le vent en poupe, certes, mais les défis à relever restent nombreux. Nous manquons par exemple de données fiables, de normes internationales et de méthodes de mesure pour établir le profil de durabilité des entreprises et de leurs projets.

Cela signifie que les banques doivent souvent “deviner” le niveau de durabilité des entreprises, et appliquer des conditions de crédit à géométrie variable. Car ce que les unes considéreront comme durable ne le sera pas nécessairement pour les autres. En outre, de nombreuses PME ne sont pas soumises aux obligations de reporting européennes (directive CSDR). Or, ces PME occupent une part importante dans les bilans des banques.