“Les critères ESG sont bien plus que la rédaction de rapports pour les banques”

Tout le monde sait que la réduction des emballages est bénéfique pour l’environnement et que l’égalité des chances est positive pour la société. Mais l’entrepreneuriat durable est-il aussi financièrement intéressant? L’électricité verte, la nomination d’un responsable de la diversité et les mandats confiés à des consultants pour élaborer la charte de durabilité représentent-ils surtout un coût, ou rapportent-ils de l’argent?

Pour chaque euro investi dans des initiatives durables, vous en engrangez en moyenne deux au bout de cinq ans. Hélas, l’entrepreneuriat durable ne saurait se résumer à cette simple formule. En lisant la littérature spécialisée, cependant, on constate une tendance claire: si l’on en croit les centaines d’études publiées sur ce sujet, l’entrepreneuriat durable se traduirait effectivement par de meilleurs résultats financiers.

Pour n’en citer qu’une: des chercheurs de Harvard ont étudié les résultats de 180 sociétés cotées sur une période de 18 ans. La moitié d’entre elles étaient des entreprises accordant beaucoup d’importance à la durabilité, contrairement à l’autre moitié. Or, la capitalisation boursière (sur base équipondérée) du premier groupe affiche une croissance annuelle supérieure de 2,3% à celle du second groupe. Les entreprises du premier groupe surperforment également les autres à l’aune d’autres indicateurs financiers.

Gestion des risques

“En définitive, il ne suffit pas, pour gérer une entreprise, de créer une proposition de valeur intéressante pour les clients et d’améliorer les processus et l’organisation”, indique Hans Verboven, professeur de Corporate Social Responsibility et Business Ethics à l’université d’Anvers. “Vous gérez aussi une entreprise en vous attaquant aux risques, aux thèmes et aux tendances susceptibles d’influer sur sa réussite à court et long termes. Si vous gérez bien ces risques, vous pouvez mieux vous protéger contre les disruptions et saisir plus facilement les possibilités qui s’offrent à vous.”

Si vous approchez l’ESG uniquement sous l’angle de la conformité – il faut respecter ceci et cela –, vous faites fausse route.

Hans Verboven, professeur de Corporate Social Responsibility et Business Ethics à l’université d’Anvers

Auparavant, les entrepreneurs s’intéressaient surtout aux risques économiques et de marché, souligne encore l’expert. “C’est-à-dire: que se passera-t-il si un concurrent fait ceci, si nous nous laissons distancer, etc. Pourtant, ces risques ne sont pas les seuls susceptibles d’impacter votre rentabilité et votre avenir. Les risques liés aux critères ESG ne doivent pas être sous-estimés.”

De l’option à l’obligation

Les entreprises qui “font leurs devoirs” en matière de durabilité et qui maîtrisent ces risques parviennent généralement à une meilleure stratégie et, par ricochet, améliorent leur fonctionnement. Avec, à la clé, davantage d’argent en caisse et moins de risques financiers.

Pour bon nombre d’entre elles, le respect des critères ESG est d’ailleurs de plus en plus un must et non plus une option. L’Europe oblige en effet les entreprises à s’y soumettre par l’intermédiaire de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).

“L’objectif final consiste à intégrer les résultats de cet exercice ESG dans la stratégie de l’entreprise”, reprend Hans Verboven. “Si vous approchez l’ESG uniquement sous l’angle de la conformité – il faut respecter ceci et cela –, vous faites fausse route. Le respect des critères ESG ne sera qu’une tâche parmi d’autres à accomplir: rapports et spreadsheets pour les autorités, le comptable, la banque et les clients.”

Potentiel économique

“Cela implique bien entendu un peu de paperasse, mais c’est la réalité de l’entrepreneuriat. Pour moi, tout tourne autour du cœur de la proposition de valeur que vous élaborez en optant pour l’entrepreneuriat durable: créer de la valeur pour les clients et les autres parties prenantes, et offrir des solutions flexibles et évolutives. Et ce, avec le moins d’impact négatif possible sur l’individu, l’environnement et la société.”

Dans certains secteurs, la résolution des problèmes créés par notre ancien modèle économique recèle une valeur immense.

Hans Verboven, professeur de Corporate Social Responsibility et Business Ethics à l’université d’Anvers

“Dans certains secteurs, la résolution des problèmes créés par notre ancien modèle économique recèle une valeur immense. La transition énergétique, le resserrement des normes de construction, la digitalisation dans des secteurs très variés représentent un potentiel majeur. Les entreprises qui intègrent cette conviction dans leur modèle d’exploitation seront gagnantes sur toute la ligne. Elles peuvent créer de la valeur pour l’être humain, la société et l’environnement, ainsi qu’une valeur ajoutée financière pour elles-mêmes.”

Les valeurs l’emportent sur les bénéfices à court terme

Cette théorie semble logique, mais qu’en est-il dans la pratique? “Lorsque je regarde autour de moi, je trouve que nous progressons. Nous comptons aujourd’hui de nombreuses entreprises qui savent vers où elles veulent aller à long terme et qui ont mis en place les structures nécessaires pour y arriver, comme un conseil d’administration composé d’administrateurs indépendants, une charte familiale et une charte de durabilité. Ces entreprises ont décidé de renoncer aux bénéfices à court terme au profit des valeurs à long terme.”

“Je ne peux les citer toutes, mais je peux nommer le groupe de construction Van Roey, EEG Group (techniques d’installation) et Van Moer Logistics. Ces entreprises ont, au fil des générations, développé des valeurs claires dont l’ESG fait partie intégrante. Les entreprises qui réduisent leur impact négatif et ambitionnent d’avoir un impact positif n’ont pas besoin de faire appel à des chasseurs de têtes, elles n’ont aucune difficulté à trouver des candidats et obtiennent de meilleures conditions de crédit auprès de leur banque.”