Peut-on investir de façon durable par le biais du private equity?

Le private equity a longtemps été synonyme de maximisation de la valeur pour les actionnaires. Si, ces dernières années, le secteur a adopté de plus en plus les principes ESG, les investisseurs n’en doivent pas moins continuer à examiner ce qui se cache sous le capot.

Les riches investisseurs qui cherchent à obtenir de meilleurs rendements peuvent tenter leur chance en dehors de la Bourse en entrant au capital d’entreprises non cotées qui travaillent encore dans leur “garage” (venture capital, VC) ou qui sortent à peine du “bac à sable” (private equity, PE).

Au vu des seuils d’entrée et des risques élevés – il est toujours possible qu’une partie des capitaux parte en fumée en cas d’échec –, les investisseurs en PE ont tendance à opter pour des fonds. Ceux-ci investissent dans des dizaines d’entreprises, ce qui permet de mieux répartir les risques.

Le modèle d’exploitation des sociétés de PE et des fonds qu’elles gèrent consiste souvent à créer de la valeur en s’impliquant dans la gestion des entreprises dans lesquelles elles investissent, même si d’autres stratégies sont envisageables. Quoi qu’il en soit, il s’agit généralement d’un travail de longue haleine (une dizaine d’années). Lorsqu’une entreprise est en bonne santé, prête à être rachetée ou introduite en Bourse, la participation peut être transformée en espèces sonnantes et trébuchantes.

Un colosse dans le paysage financier

Le private equity n’est plus un phénomène marginal. En 2022, selon les chiffres de McKinsey, les fonds de PE totalisaient 11.700 milliards de dollars sous gestion. Par comparaison, la valeur totale de toutes les actions cotées en Bourse se montait à 98.500 milliards de dollars la même année. Le PE n’est donc plus anecdotique. Le secteur peut jouer un rôle majeur dans le “verdissement” de notre monde, et le capital – qu’il soit ou non coté en Bourse – agir comme un levier de changement.

Le private equity n’est plus anecdotique. Le secteur peut donc jouer un rôle important dans le “verdissement” de notre monde.

Longtemps, les fonds de PE se sont surtout intéressés à la gouvernance, c’est-à-dire à l’amélioration de la gestion des entreprises dans lesquelles ils investissaient. Ils faisaient en sorte que le management soit évalué à l’aune de ses performances, et veillaient au respect des KPI. Cette approche devait se traduire par une gestion plus efficace et par de meilleurs résultats financiers.

Ces dernières années, l’attention du secteur s’est étendue à d’autres aspects de la durabilité: les investisseurs PE ne s’intéressent plus uniquement aux aspects financiers et de gouvernance des entreprises, mais aussi à leur impact sur l’individu, l’environnement et la société.

Plus grande force de frappe

Si on les compare aux investisseurs qui négocient des actions cotées, les investisseurs PE jouissent d’une position plus forte lorsqu’il s’agit de mettre en place un programme de développement durable. Étant donné qu’ils détiennent en général une part importante du capital, ils ont davantage d’emprise et de contrôle sur les entreprises dans lesquelles ils investissent.

Ils comptent un ou plusieurs représentants au conseil d’administration, et ont accès à toutes les informations relatives aussi bien aux aspects financiers que durables, tandis que ceux qui investissent en Bourse doivent se contenter des données rendues publiques par les entreprises.

196 milliards de dollars

En 2022, les fonds de private equity ont injecté 196 milliards de dollars dans des entreprises actives dans les technologies liées au climat.

Grâce à leur participation majoritaire, à leur vision de long terme (environ 10 ans) et à leur expertise, ils disposent d’un levier plus puissant pour pousser les entreprises à devenir plus durables.

Vitesse supérieure

Certains signes montrent que les mentalités sont en train de changer dans le secteur. Le nombre de firmes de PE et de VC ayant souscrit aux Principes pour l’investissement responsable (PRI) a été multiplié par quatre en cinq ans. Les 10 plus grandes firmes de PE au monde (sur la base des capitaux gérés) ont d’ores et déjà souscrit aux PRI.

Au premier semestre de 2022, les fonds de PE visant à avoir un impact positif (appelés “fonds à impact”) ont levé deux fois plus de capitaux qu’au cours de la même période en 2021. Selon McKinsey, le total des avoirs gérés par ces fonds de PE a franchi le cap des 100 milliards de dollars en 2022.

Attention, cependant: la mesurabilité des données ESG pour ce type d’investissement reste limitée. Il convient de souligner qu’en dehors de ces fonds, des centaines de milliards de dollars sont investis dans des projets à impact. En 2022, les fonds de PE (labellisés ou non ESG) ont injecté 196 milliards de dollars dans des entreprises actives dans les technologies liées au climat.

De nombreux défis en vue

Même si le secteur du PE est clairement en train de “verdir”, les défis ne manquent pas. Le reporting en matière d’ESG est loin d’être standardisé et se révèle fréquemment lacunaire, voire inexistant. Les engagements de durabilité ne sont pas contraignants et le secteur est peu diversifié, avec surtout des “hommes blancs” à des postes de management.

Les investisseurs ne doivent donc pas se contenter d’écouter de belles histoires, mais jeter un regard critique sur la façon dont un fonds prétendument ESG intègre ces principes dans son modèle d’exploitation.