Comment (ré)concilier durabilité et rentabilité financière?

Selon le professeur zurichois Thomas Keil, deux critères sont importants lors de la prise de décisions stratégiques: le projet doit être rentable et afficher des valeurs sociétales. “Ce sont les conditions sine qua non pour la réalisation d’un projet”, confirme Saartje Verbeke (Guberna), qui a participé à la Summer School durant laquelle Thomas Keil faisait partie des orateurs.

Saartje Verbeke est chercheuse en gouvernance financière au sein de Guberna, un institut dont l’objectif est d’encourager les organisations et les entreprises à améliorer leur gouvernance. Une démarche qui, à ses yeux, va au-delà des seuls actionnaires. “La création de valeur durable signifie que les entreprises doivent explicitement tenir compte de l’impact à long terme de leurs activités et accorder de l’attention aux intérêts de toutes les parties prenantes légitimes.”

Le concept de “parties prenantes” est toutefois très large, prévient-elle. “C’est pourquoi il est essentiel de les identifier et de les catégoriser. Qui a son mot à dire? Qui doit être entendu? Qui a un impact direct sur les décisions?”

Pour de nombreuses entreprises, la durabilité reste un thème très large. Elles cherchent dès lors à la définir par rapport à leur organisation.

Saartje Verbeke, chercheuse chez Guberna

Chez Guberna, on constate que de nombreuses entreprises sont dans une phase de transition. “L’entrepreneuriat durable se situe tout en haut de l’agenda de nombreux conseils d’administration”, note Saartje Verbeke. “Ils s’intéressent surtout à l’environnement et au climat, mais se posent aussi des questions sur les aspects sociaux et les relations avec leurs stakeholders. Pour de nombreuses entreprises, la durabilité reste un thème très large. Elles cherchent dès lors à la définir par rapport à leur organisation.”

Trois défis

Guberna a récemment publié une étude sur la création de valeur durable (sustainable value creation) dans les sociétés cotées, et analysé les défis auxquels les administrateurs étaient confrontés. Trois thèmes majeurs ont été mis en évidence: le manque de données, de connaissances et de moyens financiers.

“La loi exige que les entreprises fassent rapport sur leurs initiatives en matière de durabilité, or elles ont du mal à rassembler toutes les données”, souligne Saartje Verbeke. “Elles ont besoin d’une personne ayant accès à toutes ces informations. Le deuxième point porte sur le manque de connaissances. L’entreprise dispose-t-elle des bonnes personnes au sein de son conseil d’administration et de sa propre organisation? Comprennent-elles les défis en jeu? Le troisième point est d’ordre financier. La démarche demande en effet de lourds investissements, en particulier dans les grandes entreprises qui doivent opérer des changements fondamentaux. Autre défi pour ces entreprises: jusqu’où peuvent-elles aller?”

La loi exige que les entreprises fassent rapport sur leurs initiatives en matière de durabilité, or elles ont du mal à rassembler toutes les données.

Saartje Verbeke, chercheuse chez Guberna

La définition d’une “bonne gouvernance” évolue avec le temps, conclut la spécialiste. “Alors qu’auparavant, l’accent était placé sur la création de valeur pour les actionnaires, on voit que la responsabilité sociétale gagne en importance. Avec, dans ce contexte, un rôle primordial accordé aux conseils d’administration.”