“L’effet positif des critères ESG sur la politique de rémunération n’est visible qu’après trois ans”

La politique de rémunération peut jouer un rôle important dans l’amélioration des performances d’une entreprise en matière de développement durable. “Pour autant, il ne suffit pas d’ajouter quelques KPI à un système de rémunération existant”, nuance Xavier Baeten, professeur en Reward & Sustainability.

“En guise de boutade, on dit souvent: what gets rewarded, gets done”, sourit Xavier Baeten. “Cela dit, les entreprises misent encore trop souvent sur un ensemble de primes. Or, il existe beaucoup d’autres moyens de mettre en place un système de récompense favorisant la durabilité.”

Le Total Rewards Framework (“cadre de rémunération totale”) de la Vlerick aborde les compensations non financières ajoutées aux compensations financières (salaires et avantages sociaux). “Ces compensations peuvent être utilisées de plusieurs manières. L’assureur Swiss Re, par exemple, a récemment décidé de déduire un coût calculé en interne pour les émissions de CO2 du budget de voyage de la direction.”

Comment procéder?

L’amélioration des performances en matière de développement durable par le biais de la politique de rémunération présente de nombreux défis. Les performances liées au développement durable doivent être traduites en un système mesurable. Mais quel indicateur de performance choisir?

“Tout dépend de la nature de l’entreprise”, répond Xavier Baeten. “Prenons l’exemple de Vandemoortele. L’entreprise a élaboré une matrice de matérialité illustrant l’importance de certains aspects pour ses parties prenantes et sa direction. On constate que les thèmes de l’approvisionnement responsable, du climat, de l’emballage durable, de la santé et de la nutrition arrivent en tête. La biodiversité et les déchets alimentaires sont moins prioritaires, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas importants.”

La recherche démontre que les actionnaires réagissent négativement lorsque les entreprises qui obtiennent de moins bons résultats en matière de développement durable intègrent malgré tout des indicateurs-clés de performance dans le système de rémunération de leurs directions.

Xavier Baeten, professeur en Reward & Sustainability à la Vlerick Business School

“Le dialogue doit être ouvert au plus tôt avec toutes vos parties prenantes au sujet des thèmes de développement durable pertinents, et les idées qui en ressortent doivent être transposées dans une stratégie. Cette stratégie doit ensuite être traduite en objectifs concrets, qui seront intégrés dans les systèmes de rémunération. C’est la seule approche adéquate.”

Depuis peu, il existe des normes européennes de reporting sur le développement durable (European Sustainability Reporting Standards, ou ESRS), qui contiennent des lignes directrices concernant la manière dont les entreprises doivent rendre compte de leurs initiatives en la matière. Selon Xavier Baeten, “les entreprises devraient y voir une source d’inspiration, et pas seulement des règles strictes de reporting”.

Sans hâte

Les marchés financiers s’intéressent de plus en plus aux risques liés aux activités non durables. “En revanche, les entreprises doivent veiller à ne pas introduire trop rapidement la durabilité dans les politiques de rémunération de leurs directions, en particulier si elles n’ont pas encore assez planché sur le sujet”, prévient Xavier Baeten.

Transposez votre stratégie de développement durable en objectifs concrets et intégrez-les dans vos systèmes de rémunération. C’est la seule approche adéquate.

Xavier Baeten, professeur en Reward & Sustainability à la Vlerick Business School

“La recherche de doctorat de notre collègue Bettina De Ruyck révèle que les actionnaires réagissent négativement lorsque les entreprises qui obtiennent de moins bons résultats en matière de développement durable intègrent malgré tout des indicateurs-clés de performance dans le système de rémunération de leurs directions. L’introduction soudaine de ces indicateurs éveille en effet des soupçons, car ils y voient, dans le chef de la direction, un prétexte pour s’enrichir. Le développement durable doit être suffisamment ancré dans l’entreprise avant de franchir cette étape.”

Dans l’ensemble, l’intégration des critères ESG dans les systèmes de rémunération a un effet positif. “Cet effet se manifeste à plus long terme, après environ trois ans.” Et c’est somme toute logique, car les initiatives en matière de durabilité ont besoin de temps pour être mises en œuvre et porter leurs fruits. Le processus s’accélère lorsque les entreprises disposent d’un comité de durabilité interne composé de représentants des départements qui se consacrent spécifiquement à la durabilité. “C’est peut-être attribuable à l’expertise déployée et au fait que le comité agit comme une sorte de mécanisme de contrôle”, conclut Xavier Baeten.