La diversité dans les conseils d’administration se traduit-elle par de meilleures prises de décision? Nicoline Spruijt, Managing Director de Milestones et membre de Women on Board, et Elisabeth Matthys, associée au sein du cabinet d’avocats Stibbe et ancienne administratrice de la Loterie Nationale, tirent des conclusions nuancées.
En 2011, à l’instar de la Norvège, la Belgique a introduit le concept de quotas. Cette loi oblige les entreprises cotées à attribuer au moins un tiers des fonctions non exécutives à des femmes.
“Cette loi a porté ses fruits”, estime Elisabeth Matthys. “Une étude réalisée en 2022 par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes montre que seul un nombre très limité d’entreprises belges cotées ne respectent pas ce quota. La plupart du temps, il s’agit d’entreprises récemment créées ou en phase de transition.”
Un pas dans la bonne direction
Le problème n’est donc pas la sous-représentation des femmes dans les conseils d’administration. “Le défi se situe au niveau de la composition des comités de direction”, avance Elisabeth Matthys. “Le vrai pouvoir n’est, selon moi, pas aux mains des administrateurs, mais des comités exécutifs.”
À ses yeux, la proposition de loi de la députée Els Van Hoof (CD&V) représente un pas dans la bonne direction. “Ce projet de loi prévoit qu’à l’avenir, chacun des genres représente au moins un tiers des membres des comités de direction des entreprises publiques autonomes et de la Loterie Nationale, à l’instar des règles qui prévalent au sein des conseils d’administration.”
Le vrai pouvoir n’est, selon moi, pas aux mains des administrateurs, mais des comités exécutifs.
Elisabeth Matthys, associée au sein du cabinet d’avocats Stibbe et ancienne administratrice de la Loterie Nationale
Bon mix
“Certains ont une vision trop étriquée du nombre de femmes et de personnes d’un certain âge ou issues de milieux culturels différents qui doivent faire partie des conseils d’administration”, déplore Nicoline Spruijt. La vraie question est, pour elle, de savoir si cette diversité améliore le fonctionnement des conseils d’administration.
“Je pense qu’il s’agit surtout de trouver le bon mix de talents et de compétences, et de nommer des administrateurs dotés de l’ouverture d’esprit, de la mentalité et de la personnalité adéquates. Un bon administrateur ne dicte pas ce qu’une équipe de direction doit faire: il pose des questions qui poussent à passer à l’action.”
Mise en pratique
Nicoline Spruijt juge malgré tout que la diversité engendre une meilleure dynamique. “Les recherches montrent que les conseils d’administration qui comptent au moins 30% de femmes favorisent d’autres priorités, comme la durabilité, les relations avec les syndicats et le capital humain.”
Le véritable défi réside toutefois dans la concrétisation de ces principes eu égard aux besoins de l’entreprise, à sa vision de long terme et à ses besoins en talents et compétences pour y parvenir.
Certaines personnes cumulent 10 à 15 mandats. Elles occupent des postes qui pourraient être attribués à la jeune génération.
Nicoline Spruijt, Managing Director de Milestones et membre de Women on Board
Entre amis
L’âge moyen des administrateurs est de 60 ans, contre 57 ans pour les administratrices. C’est interpellant, souligne Elisabeth Matthys. “C’est comme si les mandats d’administrateur étaient réservés aux personnes qui ont déjà une carrière réussie derrière elles.”
Pour Nicoline Spruijt, une partie de l’explication est à trouver dans la méthode de recrutement des administrateurs. “Ils cherchent souvent dans leur propre réseau. Untel est membre du conseil de l’entreprise A et se retrouve peut-être également administrateur de l’entreprise B. Résultat: certaines personnes cumulent 10 à 15 mandats. Elles occupent des postes qui pourraient être attribués à la jeune génération.”
En conclusion, les quotas fonctionnent. Les conseils d’administration des entreprises belges sont plus diversifiés, même si l’impact réel de cette diversité sur la stratégie des entreprises dépend de la façon dont les administrateurs remplissent leur rôle et challengent le management.