“Le travail doit rendre les gens heureux, et ce message n’a rien de naïf”

Pandémie et tensions sur le marché de l’emploi obligent, le degré de satisfaction au travail est en baisse. Dans ce contexte, trouver l’équilibre entre bien-être, santé et productivité au travail devient une mission essentielle des RH. “Cependant, il n’existe pas d’approche unique qui convienne à tous… et il faut de toute façon renoncer à satisfaire tout le monde”, prévient Dirk Buyens, professeur de ressources humaines, qui préconise un nouveau code de conduite axé sur la flexibilité.

Dans The Pleasures and Sorrows of Work, le philosophe britannique Alain de Botton affirmait en 2009 que le travail devait rendre les gens heureux. “Je le rejoins sur ce point et je ne crois pas que cette idée soit naïve”, confie Dirk Buyens, professeur de ressources humaines à la Vlerick Business School et CEO de Great Place to Work Institute Belgium.

“Si vous rentrez du travail en vous plaignant tous les soirs, votre partenaire commencera par vous écouter et se montrera compréhensif. Mais au bout d’un certain temps, il ou elle vous conseillera d’agir ou d’arrêter de vous complaire dans votre malheur.”

Une vie normale

Les salariés veulent que leur travail ait du sens et apporter leur contribution à la société: voilà, aux yeux de Dirk Buyens, la raison d’être du travail. Pour lui, “les mesures et les politiques qu’une entreprise met en place pour accroître le bonheur au travail doivent se concentrer sur ce point”.

e entreprise ne peut pas soudainement construire un centre de remise en forme à côté de ses bureaux s’il est sans rapport avec son activité.

Dirk Buyens, professeur de RH à la Vlerick Business School

Le travail hybride est désormais au premier plan de cette approche. Dirk Buyens insiste néanmoins sur notre manque d’expérience en matière de télétravail. “Pendant la pandémie, nous n’avions pas d’alternative, alors qu’aujourd’hui, nous en avons une. L’expérience en temps de guerre n’est pas la même que dans la vie normale. De nombreux responsables des ressources humaines signalent qu’il n’est pas facile d’élaborer une politique qui convienne à tout le monde, notamment parce qu’ils ne savent pas comment elle évoluera.”

Flexiclarité

Selon l’expert, une part de la solution réside dans l’élaboration d’un code de conduite, qu’il baptise du nom de “flexiclarité”. Il est évident que la flexibilité doit exister, car tant les employés que les employeurs ont découvert les avantages que recelait le fait de ne pas devoir se rendre au bureau tous les jours. D’un autre côté, il n’est pas toujours aisé de collaborer de cette manière, ce qui peut entraîner des tensions.

“Dans un code de conduite sur la flexiclarité, vous fixez des accords et des règles sur le travail hybride. Comment organiser les réunions et pourquoi venir au bureau? À quels outils recourir pour travailler à domicile? Comment gérer l’activité au bureau? Cette politique permet de clarifier la flexibilité. Elle encourage la coopération et garantit l’égalité et la transparence. Bref, c’est un outil puissant d’évitement des conflits.”

Pas de solution unique

En rédigeant ce code de conduite, les entreprises doivent garder à l’esprit qu’elles ne peuvent répondre aux besoins de chacun. “Les équipes sont de plus en plus diversifiées en termes d’âge, de culture et d’expertise. Je le redis, il n’existe pas d’approche unique qui convienne à tous.”

Dirk Buyens illustre son propos par un exemple tiré du milieu universitaire, dans lequel il est lui-même actif. “Après la pandémie, les étudiants pouvaient suivre les cours dans l’auditorium ou en streaming. L’incidence sur leurs performances s’est révélée négative, car nombre d’entre eux reportaient le cours jusqu’aux examens, pour finalement être pressés par l’urgence. C’est pourquoi de plus en plus de cours ne sont plus proposés sous forme numérique. Beaucoup d’étudiants sont aidés par cette mesure, même si elle ne fait pas l’unanimité.”

Le code de conduite axé sur la flexiclaritédéfinit des conventions et des règles applicables au travail hybride.

Dirk Buyens, professeur de RH à la Vlerick Business School

Virtuel ou présentiel?

“Dans les entreprises, le constat est identique: déterminer quelles réunions peuvent se dérouler en mode virtuel et lesquelles organiser en présentiel n’est pas simple. En outre, les entreprises doivent veiller à ne pas créer de clivage entre les employés qui travaillent souvent au bureau et ceux qui préfèrent travailler à domicile.”

Chaque personne est différente et tous les employés n’accordent pas la même importance aux mêmes facteurs pour leur bien-être. Les jeunes travailleurs, par exemple, sont plus soucieux de la dimension sociale, comme l’ambiance de travail et les relations avec leurs collègues et leur responsable. De plus, les préférences évoluent avec le temps, de sorte qu’à un moment donné, la même personne peut ne plus se sentir à l’aise dans l’entreprise.

“Dans ce cas, il faut l’accepter, même si cela semble difficile”, déclare Dirk Buyens. “On ne saurait satisfaire tout le monde! D’ailleurs, les entreprises qui décrochent le label Great Place to Work n’ont pas toutes les taux de rétention les plus élevés. Elles obtiennent de bons résultats, bien sûr, mais les entreprises et les personnes changent, et un emploi n’est pas nécessairement à vie.”

Plus de liberté

Le spécialiste des RH dispense un autre conseil aux entreprises qui souhaitent agir sur le degré de satisfaction de leurs employés: “Veillez à adopter des mesures en phase avec votre activité, par exemple en électrifiant le parc automobile si 95% des employés conduisent une voiture de société. En revanche, il me semble évident qu’une entreprise ne puisse soudainement construire un centre de remise en forme à côté de ses bureaux s’il est sans rapport avec son activité. Il faut rester cohérent, au risque de perdre en crédibilité.”

Il convient donc d’établir des priorités, et c’est là que Dirk Buyens entrevoit une solution sous la forme d’un plan cafétéria. Par exemple, les employés peuvent opter pour un vélo d’entreprise, tandis que ceux qui ne peuvent se rendre au travail à vélo se voient offrir d’autres possibilités. “Une plus grande liberté de choix contribue à la satisfaction au travail des salariés”, conclut-il.