“Les ‘RH durables’ sont bien plus qu’une expression à la mode”

Après 20 ans de gestion opérationnelle et stratégique des ressources humaines, un nouveau modèle est en train de voir le jour: la gestion “durable” des RH. “Même si les visions des professionnels des RH divergent quant à la signification précise de ce concept, elles ont toutes un point commun: l’humain”, résument Sofie Jacobs et Peggy De Prins, professeures de gestion des ressources humaines au sein de l’Antwerp Management School.

La gestion durable des ressources humaines cherche à trouver un équilibre entre les intérêts du capital humain (people) et ceux de l’organisation (profit), avec un minimum d’effets négatifs pour la planète (planet).

“Cette nouvelle approche a un impact positif sur les personnes, la continuité de l’entreprise et l’environnement”, avance Sofie Jacobs. Cette professeure de l’Antwerp Management School (AMS) insiste sur l’importance de tenir un discours authentique, qui imprègne l’ensemble de l’organisation, avec une attention égale pour les trois piliers ESG: environnement, société et gouvernance. “Cela ne se résume pas à des expressions à la mode et à des sujets brûlants!”

Volontariat

Aux fondements d’une gestion “durable” des ressources humaines, une affirmation: la durabilité ne doit pas se limiter à un discours que l’on tient à l’extérieur, elle doit être appliquée à la gestion interne de l’entreprise elle-même. Plus encore, la transposition des piliers de l’ESG dans la gestion des RH ne relève pas uniquement de la responsabilité du management.

“L’implication des collaborateurs est essentielle si l’entreprise souhaite mettre en place une politique durable des RH”, confirme Sofie Jacobs. “Celle-ci aura une plus-value si les collaborateurs sont impliqués dans la stratégie de durabilité de l’entreprise pour laquelle ils travaillent.” À ses yeux, il est incontournable d’avoir des objectifs communs si l’on souhaite qu’un maximum de collaborateurs soutiennent la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au sein de l’organisation.

L’implication des collaborateurs est essentielle si l’entreprise souhaite mettre en place une politique des RH durable.

Sofie Jacobs, professeure de gestion des ressources humaines à l’Antwerp Management School

Or, pour impliquer le personnel, les entreprises doivent d’abord miser sur la dimension de “durabilité sociale”. En plus de créer une culture du bien-être et du développement personnel, Peggy De Prins conseille de miser sur l’employee volunteering, c’est-à-dire d’autoriser les collaborateurs à faire du bénévolat pendant les heures de travail. “Cela donne un coup de pouce à la stratégie durable de l’entreprise et à son image auprès des clients, des collaborateurs et des autres parties prenantes. À leur tour, les collaborateurs peuvent développer leurs compétences et en acquérir de nouvelles. Ils se sentent responsabilisés et peuvent donner quelque chose en retour à la société, ce qui accroît leur engagement.”

Contexte d’apprentissage stimulant

Les managers qui se préoccupent réellement de leurs collaborateurs boostent leur engagement et leur bien-être au travail. Cela fait partie du pilier économique de la gestion durable des RH. “Si vous faites en sorte que vos collaborateurs se sentent valorisés, que vous vous intéressez à leur développement personnel et que vous les soutenez, ils donneront le meilleur d’eux-mêmes et vous augmenterez leur implication”, renchérit Peggy De Prins, qui juge ici indispensable de garder un esprit ouvert. “La mentalité et l’état d’esprit comptent au moins autant que les compétences. Croire qu’une personne peut tout faire est une illusion, mais tout le monde peut apprendre. Une gestion durable des RH exige un contexte d’apprentissage qui encourage les collaborateurs à exploiter leurs talents efficacement et à en développer de nouveaux.”

Les dimensions sociales et environnementales d’une gestion durable des RH placent l’entreprise face à un faisceau de responsabilités envers toutes les parties prenantes: personnel, clients, actionnaires, fournisseurs, riverains, et la société dans son ensemble. Il est par exemple essentiel de mettre en place une politique de mobilité permettant aux collaborateurs de se déplacer aisément entre leur domicile et leur lieu de travail. Selon Sofie Jacobs, cela va de pair avec les nouvelles façons de travailler. “De plus en plus d’entreprises optent pour une combinaison de télétravail et de présence au bureau. Le travail hybride peut améliorer la flexibilité des collaborateurs et leur garantir un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ils sont plus heureux au travail, ce qui a un impact positif sur leur niveau de stress et donc sur leur santé.”

S’ils sont autorisés à faire du bénévolat pendant les heures de travail, les collaborateurs se sentent responsabilisés, ce qui accroît leur engagement envers leur entreprise.

Peggy De Prins, professeure de gestion des ressources humaines à l’Antwerp Management School

La gestion durable des RH doit se faire dans les deux sens

Communiquer, communiquer et encore communiquer: c’est, selon Sofie Jacobs et Peggy De Prins, une tâche indispensable pour les managers s’ils veulent que la gestion durable des RH soit un succès. “Vous devez expliquer clairement à vos collaborateurs où vous voulez aller et pourquoi. S’ils ont leur mot à dire dans le processus de changement et qu’ils constatent que l’on tient compte de leurs suggestions, ils adhéreront plus facilement au narratif de leur entreprise.”

La réciprocité d’une gestion durable des RH vaut aussi pour les collaborateurs qui quittent l’entreprise. “Discutez ouvertement avec eux et veillez à ce que leur départ se passe le mieux possible”, conseille Sofie Jacobs. “Tâchez d’appliquer les principes de durabilité dans la gestion de la fin de leur contrat, car ils resteront des ambassadeurs de votre entreprise.” Et Peggy De Prins de conclure: “La durabilité dans les relations professionnelles ne signifie pas qu’employeur et employés ne peuvent jamais se dire au revoir. Dans une carrière gérée selon les principes des RH durables, les collaborateurs peuvent évoluer au sein de leur entreprise de manière à rester employables tout au long de leur carrière, et utiliser tout leur potentiel pour contribuer à un monde meilleur.”